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bac aux ordures, au moment de le mettre à la porte ; je me charge du reste.

— Oui, ainsi cela pourrait se faire, fit Mina, après un moment de réflexion.

— Tu devrais bien aussi m’apporter un des pantalons du vieux monsieur, puisqu’il est paralysé et ne s’en sert plus.

— Un pantalon ! de quelle façon l’emporter ? la vieille me remet, tous les soirs, mes deux tartines au moment de mon départ.

— En faire un paquet serait maladroit, c’est évident. Il faut le mettre et replier les jambes jusqu’aux genoux : en les attachant avec une épingle, cela tiendra, et personne ne verra rien.

— Ah non ! le vieux a la peau qui pèle, et il se gratte continuellement jusqu’au sang. Je ne veux pas mettre sur moi un objet qui a touché sa peau.

Je la sentais, à côté de moi, frissonner de dégoût. Elle me donna des coups de pieds et des coups de coude, de révolte, qui m’auraient éveillée dix fois si je n’avais été tout oreilles.

Mon père ne se fâcha pas, mais se fit persuasif.

— Voyons, nous sommes sains : je n’ai jamais rien attrapé. C’est une blague, la contagion ; je n’ai plus de fond dans mon pantalon : un de ces jours, je ne pourrai plus sortir.