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grands canaux : les gens riches achètent dans les magasins, et les larbins me claquaient la porte au nez en m’insultant. Alors, je retournais dans les rues populaires, où la vente marchait : « Koop ! potten en pannen, Koop ! »

À midi, j’allais, pour cinq « cents », dîner au « Lokaal ». Tous les marchands de rue, les tourneurs d’orgue, les aiguiseurs de ciseaux, enfin tous les gagne-petit de la rue, tous les éclopés, les épileptiques et les aveugles venaient y manger. Les hommes prenaient un plat de fèves avec un morceau de graisse au milieu, en guise de viande ; les femmes mangeaient beaucoup de l’orge au sirop ; mais les enfants, comme moi, choisissaient tous du riz saupoudré de cassonade : c’était servi très chaud et très propre. On avait aussi du pain et du café pour le même prix : tout, jusqu’au bain, coûtait cinq « cents ». On laissait dehors les orgues, les charrettes et les balles remplies de marchandises, et jamais rien n’était soustrait.

Je rencontrais là mes voisins, les autres marchands de poteries. Un d’eux, Willem, était un garçon de mon âge ; quand nous colportions ensemble, il m’aidait à monter, avec ma charrette, les nombreux ponts d’Amsterdam, ce qui était très dur pour moi. Il me dit un jour qu’il me