pouvais coller une casserole fêlée à un client, je n’y manquais pas ; les chrétiens se fâchaient, et j’avais à m’excuser, mais les juifs point. Un jour, une juive me demande un pot ; je lui en montre un ; au moment de l’acheter, elle le retourne et aperçoit une fêlure : elle ne me dit rien et en prend un autre. Survient une deuxième juive à qui je veux passer le même pot : elle l’avertit simplement :
— Ne prenez pas celui-là : il est fêlé.
Ni l’une ni l’autre ne se fâcha de ce qu’à deux reprises, j’avais essayé de tromper. Mais où tous s’emportèrent et s’ameutèrent presque contre moi, et où je n’eus que juste le temps de filer avec ma charrette, c’est quand ils trouvèrent une tartine beurrée dans une des casseroles qu’ils devaient acheter « Kaucher » pour les Pâques.
Après les fêtes, je me répandis par la ville avec mes poteries. J’errais sur les grands canaux d’Amsterdam, qui m’attiraient toujours par leurs hôtels sévères aux majestueux perrons, par leur bordure de vieux arbres aux frondaisons opulentes, par l’eau d’un vert noirâtre où parfois une barque à voile glissait silencieuse, par le grand calme qui s’en dégageait et qui me reposait du bruit et de la pauvreté de chez nous,