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Chez moi, toute émotion se traduit par des tremblements. Je partis donc en tremblotant. Je pris le quartier juif où, de porte en porte, j’offris timidement mes casseroles. On avait refusé partout, et voilà qu’une juive m’acheta les trois pots à la fois. Ah ! par exemple ! du coup, de froid que j’avais, je pris la fièvre. Je cours à la maison chercher trois autres casseroles ; je les vends. Quelle joie ! Le soir, j’avais un gain inespéré d’un demi-florin. J’écrivis tout de suite à mon père de ne pas s’inquiéter de nous : que, moi, je gagnais largement la vie pour tous ; que je n’avais plus de semelles à mes souliers, mais que je mettrais des sabots ; qu’il devait seulement songer à s’innocenter de son larcin.

Me voilà marchande de rue ! En quelques jours, avec un peu de crédit, j’eus une charrette pleine de poteries, qu’en criant je débitais de porte en porte : « Koop ! potten en pannen ! Koop ! »[1]

Comme les Pâques juives approchaient, j’allai dans la Joden Breestraat me poster parmi les autres colporteurs, chez qui les juives venaient renouveler leur vaisselle de Pâques. Comme tous les marchands, je devenais fourbe. Quand je

  1. Achetez des pots et des casseroles ! Achetez !