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recommença à chercher… rien… Il revint aux sabots, les empila dans l’âtre, et y mit le feu ; puis il se coucha.

— Je vais m’allonger contre toi pour te réchauffer.

La lampe s’éteignit faute d’huile ; les petits sabots brûlaient lentement parce qu’ils étaient mouillés ; mais l’atmosphère se réchauffa et une meilleure sensation nous envahit.

Il n’était que six heures du soir : il ne fallait pas songer à dormir. Alors, à propos du froid, mon père raconta l’histoire de son oncle Corneille Oldema, qui fit la guerre de Russie sous Napoléon. Il avait assisté à la débâcle de Moscou, qu’il ne quitta qu’après avoir rempli son havresac de chandeliers, de ciboires et autres objets en or pris dans les églises. De retour en Frise, la vente de ces objets qu’un juif avait achetés, lui rapporta de quoi acquérir une ferme et quatre belles vaches. L’oncle avait dit :

— Il ne faut pas croire que j’aie volé ces choses : tout le monde pillait, les officiers comme les autres. C’est ainsi à la guerre. Mais peu sont rentrés chez eux, comme moi, avec leur butin : presque tous sont morts de froid en route, ou ont été tués par l’ennemi, ou assassinés par leurs compagnons pour être pillés à leur