Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans cette charité par miettes, nous serions morts de faim et de froid. Ce n’est pas qu’elle ne comptât quelque peu sur le rétrécissement que produit la faim. Ainsi quand on donnait une chemise pour un enfant, elle était si étroite qu’elle le gainait comme une seconde peau : on pouvait compter ses côtes à travers, et malgré le froid, il y étouffait. Ou, si on n’avait pas votre pointure pour des sabots, on vous en passait de plus petits.

Nous recevions aussi des cartes pour des briquettes de tourbe : Hein et moi, nous allions les chercher à l’autre extrémité d’Amsterdam, sur un traîneau auquel lui était attelé, et que, moi, je poussais, nous frayant un chemin à travers la neige qui nous montait aux mollets. On nous donnait des bons de soupe aux pois, dont parfois nous vendions quelques-uns afin d’acheter du savon et du sel de soude pour pouvoir faire une lessive.

À sept heures du matin, nous allions sur les grands canaux faire queue à la porte des « maisons riches ». Les larbins manifestaient tout leur dégoût lorsque nous étions sales, disant qu’il y avait cependant assez d’eau dans les canaux pour nous laver, si nous l’avions voulu ; et on