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des dessins fantastiques. Tous les volets étaient hermétiquement fermés, comme si l’air et le soleil eussent été du poison ; les lourdes portes d’entrée n’y étaient jamais ouvertes que pour un mariage, un baptême ou un enterrement.

Des nuages jaunes de fumée de tabac flottaient en silence dans les appartements secrets, et les enfants, de peur de réveiller les échos, étudiaient en cachette dans des coins, ou patinaient sans bruit sur le canal voisin. Quelques paons et même des loups se tenaient bien dans les jardins, mais ils n’avaient jamais joui du luxe de posséder de la chair ou du sang ; ils étaient taillés avec art dans le buis et semblaient garder les propriétés avec une immobile férocité. Certains automates susceptibles de mouvement, des canards, des femmes, des chasseurs, avaient été remisés dans les pavillons d’été et y attendaient le printemps pour se faire remonter et rivaliser d’animation avec leurs possesseurs, tandis que les toits de tuiles brillantes, les cours pavées en mosaïque et les ornements polis des maisons où un grain de poussière ne pouvait séjourner, lançaient vers le ciel leur hommage silencieux en une brillante réverbération.

Hans jeta un coup d’œil sur le village tout en faisant sauter ses kwartjes dans sa main. Il se demandait si ce qu’il avait souvent entendu raconter était vrai ; c’est-à-dire que quelques-uns des habitants étaient si riches qu’ils se servaient d’ustensiles de cuisine en or massif.

Il avait vu, au marché, les fromages ronds de dame Van Stoop, et il savait que la fière bourgeoise gagnait plus d’un écu d’argent brillant à les vendre. Mais faisait-elle lever la crème dans des jattes d’or ? se servait-elle d’une écumoire d’or ? Et lorsque ses vaches avaient pris leurs quartiers d’hiver, étaient-elles réellement attachées avec des rubans de soie ?