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Hans la regarda. Il avait une véritable horreur toute hollandaise pour les émotions de tous genres, et il craignait par-dessus tout de voir les yeux de sa sœur s’emplir de larmes.

« Écoutez, s’écria Gretel qui vit qu’elle avait gagné un point, je serai horriblement malheureuse si vous n’achetez pas les patins. Je n’en veux pas pour moi, non, je ne suis pas encore si égoïste que ça ; je veux que vous les ayez, vous, et quand je serai plus grande, ça sera pour moi. Comptez un peu les petites pièces de la demoiselle, Hans. En avez-vous jamais vu autant ? »

Hans retournait pensivement l’argent dans sa main. Il n’avait de sa vie désiré une paire de patins. Mais il savait qu’il devait y avoir une course, et son cœur saignait à l’idée de ne pouvoir profiter de la chance qui s’offrait à lui de mettre comme les autres son talent de patineur à l’épreuve. Il avait la confiance qu’avec une bonne lame d’acier sous les pieds, il pourrait facilement distancer sur le canal la plupart des garçons. D’un autre côté, il savait que Gretel, quoique mince et élancée, n’aurait besoin que de s’exercer pendant huit jours avec de bonnes lames, pour devenir meilleure patineuse que Rychie Korbes, ou même Katrinka Flack. Cette idée ne lui fut pas plutôt entrée dans la tête comme un éclair, que sa résolution fut prise. Si Gretel ne voulait pas de la jaquette, elle aurait les patins.

« Non, Gretel, répondit-il à la fin, je puis attendre. Peut-être me sera-t-il possible un jour de mettre de côté assez d’argent pour m’acheter une belle paire de patins. Mais vous aurez ceux de l’argent de la demoiselle. »

Les yeux de Gretel brillèrent involontairement de plaisir ; cependant un instant après elle insista, mais plus faiblement qu’elle ne l’aurait voulu.

« La demoiselle vous a donné l’argent à vous, Hans, dit-elle ; ce serait bien mal à moi de le prendre. »