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Il y avait des années qu’il avait fait son apparition dans l’endroit. Âgé de dix-huit ans, alors, il avait appris son état, gagné la confiance de son patron, était devenu son associé peu de temps après l’apprentissage terminé, et enfin, à la mort du vieux Willett, il avait repris les affaires à son compte. C’est tout ce qu’on connaissait de son histoire, et ce n’était pas assez pour la curiosité publique.

Les bonnes gens faisaient la remarque qu’il n’avait jamais un mot à dire à un chrétien, tandis que d’autres soutenaient que, quoiqu’il parlât divinement bien quand cela lui plaisait, il y avait quelque chose qui n’était pas clair dans son accent.

Sa nationalité était une grande énigme. Son nom anglais disait assez de quel pays était son père ; mais sa mère ? D’où pouvait-elle bien être ? Si ç’avait été une Américaine, il aurait certainement eu les pommettes des joues saillantes et la peau plus colorée ; si une Allemande, il aurait su quelques mots d’allemand, et Squire Smith déclarait qu’il n’en savait pas une syllabe ; si une Française, il n’eût pas été si sombre. Chacun sait qu’un Français ne parvient jamais à être triste tout à fait. Était-ce peut-être un Flamand, un Hollandais ? Mais, bien que certainement il dressât toujours les oreilles quand on parlait de la Hollande, il ne semblait pas connaître le moins du monde ce pays, si vous veniez à l’interroger à ce sujet. De quelque pays qu’il fût, ce qui était sûr, c’est qu’il ne recevait aucune lettre de l’étranger. Un homme ainsi abandonné de tous les siens ne pouvait pas être grand’chose de bon. Thomas, bien qu’il affectât de marcher la tête haute, pouvait bien avoir eu en d’autres temps quelque mauvaise pierre dans son sac. Les commères déclaraient bien qu’elles n’avaient nulle intention de se casser la tête pour lui ; néanmoins, Thomas Higgs et ses affaires