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gagner à tricoter ou à filer. Elle avait, dans les premières années qui avaient suivi la maladie de son mari, travaillé à bord des barques qui montaient et descendaient les canaux, et s’était à l’occasion attelée avec d’autres femmes à la corde d’un pakschuit, faisant le trajet entre Broek et Amsterdam. Mais lorsque son fils Hans avait été assez grand et assez fort, il avait insisté pour se charger seul de ces rudes travaux. D’ailleurs, le père était devenu peu à peu si complètement incapable d’aucun effort, qu’il nécessitait une surveillance de tous les instants. Il n’avait pas plus d’intelligence qu’un nouveau-né ; mais comme il avait encore le bras solide et qu’il se portait bien, dame Brinker avait quelquefois beaucoup de peine à le contenir.

« Ah ! mes enfants, s’écriait-elle souvent, il était si bon et se conduisait si bien ! dur au travail, sobre au plaisir, et avec cela savant comme un homme de loi ; le bourgmestre s’arrêtait lui-même pour le consulter. Et maintenant, hélas ! il ne reconnaît plus ni sa femme ni ses enfants ! Vous vous rappelez votre père, Hans, lorsqu’il avait son bon sens ? C’était un grand et brave homme, n’est-ce pas ?

— Oui, mère, répondait Hans, il savait tout, et pouvait faire n’importe quoi sous le soleil. Et comme il chantait ! Quel souffle ! Vous disiez dans ce temps-là qu’il était dans le cas de remplacer le vent pour les moulins eux-mêmes.

— Je me le rappelle, je me le rappelle ! Dieu le bénisse, quelle mémoire a ce garçon ! – Gretel, mon enfant, retirez cette aiguille à tricoter des mains de votre père ; vite, il pourrait se crever les yeux. Remettez-lui ses souliers à présent ; ses pauvres pieds sont froids comme des glaçons ; mais j’ai beau faire, je ne puis pas venir à bout de les lui tenir chaudement. »

Dame Brinker, moitié gémissant, moitié chantonnant,