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j. anglade.

limousin. C’est dans le Limousin ou dans les régions voisines (Poitou et Saintonge) que sont nés les premiers troubadours ; c’est le dialecte de cette province qui est devenu de bonne heure la langue classique de la poésie provençale et il l’est resté jusqu’à la fin. Comme langue littéraire, ce dialecte a dépassé de beaucoup ses limites. Les troubadours Guillem, comte de Poitiers, Jaufre Rudel, de Blaye (le héros de la Princesse lointaine), Richaut de Barbezieux appartiennent par leur naissance au domaine de la langue d’oïl ; mais ils ont écrit en provençal (ou limousin) parce que cette langue était devenue la langue de la poésie. C’est ainsi qu’au treizième siècle de nombreux troubadours nés en Italie ont employé à leur tour, au lieu de leur « vulgaire illustre », comme le dira Dante, le dialecte limousin.

Telle fut, dans le passé, la fortune de la langue d’oc. Esquissons rapidement ses principaux caractères à l’époque classique des troubadours, c’est-à-dire dans la deuxième moitié du douzième siècle. Les premiers monuments littéraires de la langue d’oc, le poème de Boèce et la Chanson de Sainte-Foy d’Agen, nous la montrent sous une forme archaïque ; la langue de Guillem de Poitiers (fin du onzième siècle, début du douzième) est déjà excellente : celle des grands troubadours Bernard de Ventadour, Bertran de Born, Arnaut Daniel, Giraut de Bornelh, Arnaut de Mareuil est parfaite. Un de ses principaux caractères, qui la différencie nettement du français, est, on l’a vu plus haut, le maintien de a tonique libre que le français a transformé en e et ier. Par ce côté la langue d’oc se rapproche des langues espagnole et italienne, pour ne parler que des principales langues romanes ; comme elles, elle s’est à ce point de vue peu éloignée du latin.

Elle ne connaît pas non plus à l’atone l’e muet du français : le latin pórta y devient pórta et non porte. E ouvert du latin vulgaire (ĕ bref du latin classique) ne se diphtongue en ie que dans certaines conditions : ainsi le latin pĕdem devient pie(d)