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2 JUIN 1880.

un incident assez important, M. le comte Ludolf ayant dit qu’on devait avant tout examiner si les censaux seraient protégés, je me suis étonné d’une semblable demande ; car, à mon avis, la protection leur est encore plus nécessaire qu’aux employés des consulats, pour lesquels on a peu à redouter, tandis qu’il nous serait impossible d’envoyer des agents commerciaux dans l’intérieur, s’ils n’étaient protégés. M. Canovas del Castillo, entrant dans les vues du Plénipotentiaire d’Autriche-Hongrie, est même allé plus loin, car il a voulu déduire du texte même de la convention de 1863 que la protection ne devait pas être la même pour les censaux et les employés des Consulats. Je me suis énergiquement élevé contre une semblable interprétation de la convention de 1863, et j’ai déclaré que, pour nous, les censaux étaient et devaient être dans la même situation que les autres protégés, ajoutant que depuis 17 ans il en était ainsi.

Le Plénipotentiaire de Belgique ayant demandé qu’on discutât sur l’ensemble des numéros 14, 15 et 16, je ne me suis pas opposé à cette proposition qui était appuyée par M. le comte de Casal-Ribeiro et par plusieurs autres Plénipotentiaires ; mais ici s’est présenté un second incident. Au lieu de laisser, comme cela semblait naturel, la discussion s’engager sur l’ensemble des articles 14, 15 et 16 des propositions marocaines de Tanger, M. Canovas del Castillo a demandé à Cid Mohammed Bargach s’il persistait à maintenir les demandes de Tanger. Le Plénipotentiaire marocain, ne comprenant pas très bien tout d’abord le but de cette demande, ne savait trop que répondre ; il était bien évident, cependant, que ce qu’on voulait de lui, c’était qu’il retirât ses demandes de Tanger pour que la discussion s’établît sur celles de l’Angleterre, dont le premier article nous enlève le droit de prendre des censaux dans l’intérieur, ce à quoi les Marocains n’avaient pas pensé en présentant les demandes 14, 15 et 16. Cid Mohammed Bargach s’étant rendu compte de la portée de l’interrogation du Président a déclaré alors qu’il retirait ses demandes de Tanger, que le Maroc était malade et qu’il demandait aux Plénipotentiaires de trouver un remède à sa maladie.

Immédiatement, le Président a consulté les Plénipotentiaires pour savoir quelles propositions on allait discuter ; or, comme Cid Mohammed Bargach venait de retirer les siennes, il ne restait plus que les propositions anglaises.

Les Plénipotentiaires d’Allemagne, de France et d’Italie demandèrent cependant que la discussion s’engageât sur le même terrain qu’à Tanger, c’est-à-dire sur les articles 14, 15 et 16 des propositions marocaines. Tous les autres Plénipotentiaires ayant demandé qu’on discutât les propositions de la Grande-Bretagne, je déclarai alors que, du moment que la Conférence prenait cette décision, j’étais obligé de la prier de s’ajourner afin de me permettre de communiquer à mon Gouvernement les nouvelles propositions anglaises. La séance fut alors levée.