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10 MAI 1880.

113.

M. Léon Say, Ambassadeur de France à Londres, à M. de Freycinet, Ministre des Affaires étrangères.

D. n°46. Confidentiel
Londres, 10 mai 1880.
(Reçu : Cabinet, 11 mai ; Dir. pol., 14 mai.)

Je vous ai envoyé une dépêche télégraphique[1] relative à la proposition de Lord Granville de convoquer pour le 15 juin la commission de la délimitation des frontières grecques, à Berlin ou à Paris, en la composant des Ambassadeurs résidents et en leur adjoignant d’autres commissaires techniques et spéciaux.

Lord Granville a aussi abordé avec moi la question du Monténégro. Il a eu avec le comte Karolyi un entretien dans lequel il s’est assuré que l’Autriche était très prononcée contre l’emploi de la force. Lord Granville a ajouté qu’à lui aussi une intervention armée, italienne par exemple, paraissait inadmissible. Faire intervenir les Puissances pour annexer par la force au Monténégro des populations qui s’y refusent serait une entreprise véritablement impossible. Lord Granville ne voit en dehors d’une intervention armée que trois moyens de sortir de la difficulté pendante :

1° Terminer promptement l’affaire des frontières grecques et mettre la ligne albanaise en face des Grecs et des Monténégrins réunis, ce qui permettrait d’espérer que les décisions des Puissances seraient mises à exécution ;

2° Chercher un arrangement avec les Albanais et obtenir, si l’on peut, par la persuasion l’abandon des districts contestés, en leur promettant de les aider à réaliser l’organisation qu’ils désirent pour leur pays ;

3° Enfin, et ce serait selon Lord Granville la méthode la meilleure, chercher pour le Monténégro une compensation d’un autre côté et laisser les districts contestés à la Turquie. Cette compensation ne pourrait évidemment se trouver que du côté de l’Herzégovine et l’Autriche pourrait ne pas s’y prêter. Cependant il a semblé à Lord Granville que l’Autriche ne devait pas être absolument décidée à s’y refuser, car le comte Karolyi lui a parlé d’un compromis comme étant une chose désirable et il est difficile d’imaginer un autre compromis pratique.

  1. 10 mai, à 6 h 15 du soir.