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LE POÈME SANS NOM.

VI


Quelques-uns de tes mots en moi vibrent encore,
Tout comme dans la cible un trait, lorsqu’il l’atteint.
Chacun d’eux m’est présent, même le plus lointain,
Et, jamais émoussé, sans cesse me perfore.

Ainsi qu’au moindre bruit résonne une mandore,
Le moindre souvenir, de contour incertain,
Me ressuscite un de ces mots, aussi distinct
Qu’à l’heure même où tu l’as dit, aussi sonore.

Alors, je te revois, telle un cruel archer,
Tendre l’arc de ta bouche et puis me décocher
Ce trait qui dans mon flanc pour l’éternité vibre.

Car l’oubli m’aurait-il versé tous ses pavots
Et de toi me fussé-je à jamais rendu libre,
Je rentendrais toujours quelques-uns de tes mots.