et apprécier toutes ces circonstances, qui peuvent masquer aux yeux
la véritable origine des fossiles ; et rarement les personnes qui ont
recueilli des os se sont-elles douté de cette nécessité, d’où il résulte
que les véritables caractères de leur gisement ont presque toujours
été négligés ou méconnus.
En troisième lieu, il y a quelques espèces douteuses qui altéreront
plus ou moins la certitude des résultats aussi long-temps qu’on
ne sera pas arrivé à des distinctions nettes à leur égard ; ainsi les chevaux,
les buffles, qu’on trouve avec les éléphans, n’ont point encore
de caractères spécifiques particuliers ; et les géologistes qui ne voudront
pas adopter mes différentes époques pour les os fossiles, pourront
en tirer encore pendant bien des années un argument d’autant
plus commode, que c’est dans mon livre qu’ils le prendront.
Mais tout en convenant que ces époques sont susceptibles de quelques
objections pour les personnes qui considéreront avec légèreté
quelque cas particulier, je n’en suis pas moins persuadé que celles
qui embrasseront l’ensemble des phénomènes ne seront point arrêtées
par ces petites difficultés partielles, et reconnaîtront avec moi
qu’il y a eu au moins une et très-probablement deux successions
dans la classe des quadrupèdes avant celle qui peuple aujourd’hui
la surface de nos contrées.
Ici je m’attends encore à une autre objection, et même on me
l’a déjà faite.
Les espèces perdues ne sont pas des variétés des espèces vivantes.
Pourquoi les races actuelles, me dira-t-on, ne seraient-elles pas des
modifications de ces races anciennes que l’on trouve parmi les fossiles, modifications qui auraient été produites par les circonstances locales et le changement de climat, et portées a cette extrême différence par la longue succession des années ?
Cette objection doit surtout paraître forte à ceux qui croient à la possibilité indéfinie de l’altération des formes dans les corps organisés, et qui pensent qu’avec des siècles et des habitudes toutes les espèces pourraient se changer les unes dans les autres, ou résulter d’une seule d’entre elles.