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160 DISCOURS DE JULES FERRY . d’aujourd’hui comme dans le discours que vous avez prononcé il y a quelques mois, vous avez cherché à accumuler autour de cette notion de l’enseignement moral pour en obscurcir le caractère. (Murmures à droite.) Oui, la société laïque peut donner un enseignement moral ; oui, les instituteurs peuvent enseigner la morale sans se livrer aux recherches métaphysiques, sans se laisser glisser sur la pente de divagations plusou moins philosophiques. Ce n’est pas le principe de la chosequ’ils enseignent, c’est la chose elle-même, c’est la bonne, la vieille, l’antique morale humaine. (Vive approbation à gauche.—Interruptions à droite.)

M. LAMBERT DE SAINTE-CROIX.—Le bon Dieu en était ! M. SCHOELCHER.—Et le sacrifice d’Abraham aussi !

M. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL.—Messieurs, j’en reviens à la considération par laquelle j’ai commencé ces explications.Si nos intentions sont suspectées ou si l’on ne nous croit pas la force de les faire prévaloir, il ne faut pas voter le projet de loi ;mais, si vous croyez, si la majorité de cette Assemblée croit qu’il est temps de mettre un terme à un état de choses plein d’inconséquences et de périls, à un état de choses qui ne peut aboutir, lorsqu’il arrive à son plein épanouissement, qu’à l’asservissement de l’école à l’Église, et qui, lorsque les difficultés du temps, lorsque le tempérament particulier du pays et la résistance des pouvoirs publics empêchent les conséquences de sortir du principe qui les implique, ne peut produire que la situation également périlleuse et fausse où nous nous débattons...

Voix ci droite.—C’est vrai !

M. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL.-...c’est-à -dire la rivalité de l’Église et de l’État sur le terrain de l’école ; si vous croyez,comme moi, que tout cela est gros d’embarras et de dangers,eh bien, il faut faire cesser cette rivalité. (Très bien ! très bien ! à gauche.) Lorsqu’on veut chercher à assurer la paix entre deux puissances rivales, l’État et l’Église, la constitution laïque de la société et le pouvoir ecclésiastique ; lorsqu’on veut que ces deux puissances morales vivent en paix, la première condition,c’est de leur prescrire de bonnes frontières. (Nouvelle et plus vive approbation à gauche.) Ce n’est pas dans la confusion des