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154 DISCOUR DE JULES FERRY.

par nos pères, et, comme nous ne trouvons pas, dans la logique et dans la réalité des choses, le moyen d’empêcher que l’instituteur, s’il est un professeur de religion, ne tombe sous la dépendance du ministre du culte, nous disons, au nom de la souveraineté de l’État, au nom de l’indépendance de l’école :«sécularisons l’école, sécularisons l’enseignement.»

Séculariser l’école, ce n’est pas du tout rendre l’école irréligieuse, ni en chasser la religion :

—c’est simplement rétablir l’ordre normal des choses, séparer les responsabilités, attribuer l’enseignement religieux aux ministres des cultes, seuls compétents pour le donner, et laisser l’enseignement laïque tout entier à l’instituteur séculier. (Très bien ! à gauche.)

Cette œuvre de sécularisation de l’enseignement, avez-vous oublié que le Sénat s’y est résolument engagé depuis bientôt deux ans ? Qu’avez-vous donc fait, messieurs, quand vous avez supprimé le banc des évêques dans le Conseil Supérieur de l’Université ? Vous avez sécularisé le Conseil Supérieur. (Rumeurs à droite.) Vous avez posé en haut le principe de la sécularisation ; et vous laisseriez subsister en bas, dans la petite école primaire, le principe contraire ? Ce serait un manque de logique ; ce serait une conception fausse, une construction bâtarde, qui ne tarderait pas à s’écrouler. Dans la pensée des auteurs de la loi de 1850, enseignement confessionnel, immixtion ,inspection, prééminence et prédominance du ministre des cultes dans l’école, tout cela se tenait. Oui, c’était bien là le but de la loi de 1850 ; je crois que personne ne peut le nier ici. Les auteurs de cette loi, très résolument, ont voulu donner à l’Église l’autorité, la première et la plus haute autorité dans l’école primaire...

M. DE PARIEU.—Une partie de la surveillance seulement !

M. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL.—Une partie de la surveil_ lance, monsieur de Parieu ? C’est chose impossible, comme je crois l’avoir démontré tout à l’heure, parce que, comme le disait encore tout à l’heure M. le duc de Broglie, l’enseignement religieux n’est pas limité à quelques leçons : il se mêle à tout, et, comme il se mêle à tout, celui qui en est le dépositaire doit avoir vue sur tout. On voulait cela en 1850. On voulait l’école servante de l’Église, pour me servir de l’expression des