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charognes au soleil sont responsables de la peste. » (Mouvement.)

Eh bien ! c’est mon sentiment.

Il faut, par conséquent, que l’homme politique, dans l’accomplissement de sa tâche, s’attaque vivement à celui de tous nos maux qui engendre les autres, à l’ignorance, sans laquelle il serait établi qu’il n’existe pas de gouvernement qui convienne plus à la nature, à la dignité, au bonheur de l’homme, que la République. Et quant à l’erreur politique chez le paysan, elle a la même origine que celle de l’ouvrier : toujours l’ignorance. Qu’est-ce qui fait que le paysan est comme incliné aujourd’hui, par exemple, vers le parti bonapartiste ? Et pourquoi, aujourd’hui que la lutte est ouverte entre les partis monarchiques, voit-on les partis bourboniens se tourner vers les paysans, déguiser leur monarchie et leurs prétendants, tandis que les autres ne craignent pas d’accuser qu’ils veulent le retour de l’empereur ? Cela tient, je crois, messieurs, à un état mental particulier au paysan. On lui a dit, on lui a répété que sa propriété avait été instituée et maintenue par Napoléon. Le paysan n’est pas un homme à fines nuances, à fines distinctions ; il mêle et confond Bonaparte et la Révolution ; il n’a pas l’esprit de distinction et de critique ; mais il a la perception des gros résultats, et il sait que cette terre, que son grand-père avait acquise, il l’a gardée sous Napoléon Ier, et qu’à la suite de l’invasion on a menacé cette terre, pour la défense de laquelle, sous la République, il a versé héroïquement son sang, sauvant du même coup son bien et la patrie.

Le paysan sait ces choses. Il voit même, toutes les fois que la Restauration, l’ancien régime reparaît, que la Restauration menace sinon la détention immédiate de la terre, du moins son morcellement. Il y a quelques jours à peine ― et nous ne sommes pas encore sous les fleurs de lis — une proposition a été introduite à l’Assemblée pour rétablir le droit d’aînesse et ses conséquen-