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monde, il soit bien entendu que lorsqu’en France un citoyen est né, il est né un soldat ; et que quiconque se dérobe à ce double devoir d’instruction civile et militaire, soit impitoyablement privé de ses droits de citoyen et d’électeur. Faisons entrer dans l’âme des générations actuelles et de celles qui vont naître la pensée que quiconque, dans une société démocratique, n’est pas apte à prendre sa part de ses douleurs et de ses épreuves, n’est pas digne de prendre part à son gouvernement. (Applaudissements.)

Par là, messieurs, je le répète, vous rentrez dans la vérité des principes démocratiques, qui est d’honorer le travail, qui est de faire du travail et de la science les deux éléments constitutifs de toute société libre. Ah ! quelle nation on ferait avec une telle discipline, religieusement suivie pendant des années, avec les admirables aptitudes de notre race à produire des penseurs, des savants, des héros et de libres esprits ! C’est en pensant à ce grand sujet qu’on s’élève vite au-dessus des tristesses du présent pour envisager l’avenir avec confiance.

Messieurs, je le dis avec orgueil, sur le terrain de la science, la France peut soutenir la rivalité avec le monde entier ; et, malgré l’affaiblissement du niveau de l’esprit public que j’ai dû constater tout à l’heure, il est constamment, grâce au ciel, resté dans notre pays une élite d’hommes qui, tous les jours, ont reculé les limites de la science, qui, tous les jours, ont avancé les progrès de l’esprit humain ; et c’est par là que la France, quels que soient, quels qu’aient été les désastres qui ont accablé le pays, reste le guide du monde. (Sensation.)

Savez-vous ce qu’on disait, pendant la guerre, à l’étranger ? « Il n’y a plus de livres ! » Et, en effet, tout entière occupée à sa défense, la France ne produisait plus rien pour l’intelligence des peuples. (Mouvement.)

Mais, messieurs, ce que je demande, c’est que de la science sortent des livres, des bibliothèques, des académies et des insti-