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trie nous commande de ne pas prononcer de mots imprudents, de clore nos lèvres et de refouler au fond du cœur nos ressentiments, de reprendre à pied-d’œuvre ce grand ouvrage de la régénération nationale, d’y mettre tout le temps nécessaire, afin de faire œuvre qui dure. S’il faut dix ans, s’il faut vingt ans, il faudra mettre les dix années, les vingt années ; mais il faut commencer tout de suite ; il faut que chaque année on voie s’avancer dans la vie une génération nouvelle, forte, intelligente, aussi amoureuse de la science que de la patrie, ayant au cœur ce double sentiment qu’on ne sert bien son pays qu’en le servant de son bras et de sa raison.

Nous avons été élevés à une rude école ; nous devons, si cela est possible, nous guérir du mal vaniteux qui nous a causé tant de désastres.

Nous devons prendre aussi conscience de ce qui nous revient à tous de responsabilité, et, voyant le remède, nous devons tout sacrifier à ce but immédiat : nous refaire, nous reconstituer ; et pour cela, rien, rien ne doit nous coûter ; nous ne produirons aucune réclamation avant celle-là : l’éducation la plus complète de la base au sommet des connaissances humaines.

Naturellement, il faut que ce soit le mérite reconnu, l’aptitude révélée, éprouvée, qui monte cette échelle ; des juges intègres et impartiaux, choisis librement par leurs concitoyens, en décideront publiquement, de telle sorte que le mérite seul ouvrira les portes. Rejetons comme les auteurs néfastes de tous nos maux ceux qui ont mis la parole à la place de l’action, tous ceux qui ont mis le favoritisme à la place du mérite, tous ceux qui se sont fait du métier des armes non un moyen de protéger la France, mais un moyen de servir les caprices du maître et quelquefois de se faire les complices de ses crimes. (Applaudissements.)

En un mot, rentrons dans la vérité, et que, pour tout le