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les matériaux manuscrits ; c’est à savoir : un Dictionnaire arabe, un Dictionnaire persan, un Dictionnaire turc oriental, un Dictionnaire copte et un Dictionnaire syriaque. Son unique récréation était d’aller visiter les libraires de seconde main pour y chercher des manuscrits et des livres rares, et de suivre dans le même but les ventes des bibliothèques ; son plus grand plaisir, devoir les membres de son honorable famille et un petit nombre d’amis.

Il accueillait ses auditeurs avec la plus affectueuse bienveillance ; il les admettait même à sa table et à son fires-ide, et il leur livrait ainsi, non-seulement officiellement, mais officieusement, les secrets de sa science. Il recevait avec une affable politesse tous ceux qui le visitaient, il était généreux envers l’infortune, et sa main gauche ne savait pas ce que faisait sa droite. Une femme d’esprit[1] a dit, avec raison, de sa conversation toujours instructive et en même temps aimable et spirituelle :


L’homme du monde alors remplace le savant,
Intéresse toujours, fait sourire souvent,
Plaisante avec bon goût, sans pédantisme éclaire,
Daigne même écouter l’objection vulgaire,
Ouvrant à l’anecdote un limpide courant.
Charme l’homme qui sait, amuse l’ignorant.


On a dit que M. Quatremère était janséniste. Si par cette expression on entend un hétérodoxe qui croit à la grâce nécessitante, certes ce respectable savant n’était pas janséniste ; car nul n’était plus que lui profondément catholique ; mais si on donne ce nom à un chrétien de mœurs austères, rigide observateur des lois de l’Église, attaché de cœur à nos usages gallicans, ennemi des innovations, dans ce sens, M. Quatremère était janséniste.

Personne ne fut moins ambitieux que M. Quatremère. Il n’était que d’un petit nombre d’Académies et de Sociétés savantes étrangères, et il n’eut d’autre décoration que celle de chevalier de la Légion d’honneur ; encore ses amis demandèrent-ils pour lui cette faveur à son insu, à l’occasion de son élection à la présidence de l’Académie des inscriptions en 1829, lorsqu’il avait déjà quarante-sept ans et qu’il était depuis quatorze ans membre de l’Institut.

En perdant cet éminent professeur, notre École, Messieurs, a pu du moins le remplacer par un de ses élèves les plus distingués, par M. Ch. Schefer, nourri à l’école des bonnes et saines

  1. Mme la marquise de Saffray, Épître à M. Quatremère.