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n’existaient plus, ainsi que bien d’autres monuments anciens. Heureusement il nous restera à défaut des monuments eux-mêmes leur description détaillée, qu’en a donnée récemment le maulawi Saïyid Ahmad sous le titre de Açar ussanâdid, « les Vestiges des grands personnages », et dont j’espère publier bientôt la traduction complète. Je remarquerai en passant que les inscriptions reproduites dans les planches lithographiées qui accompagnent le texte de l’ouvrage sont presque toutes en persan ou en arabe, les langues savantes de l’Inde musulmane. Il y a seulement en sanscrit celles des laths d’Açoka, et en hindoustani celle que fit graver Alamguir II en 1755 sur le tombeau du célèbre sofi Nizam uddin Auliya.

Les journaux anglais ont donné dans ces derniers temps d’intéressantes descriptions de Delhi, et moi-même j’ai fait connaître in extenso dans mon Histoire de la littérature hindoustanie celle qu’en a faite l’éloquent écrivain Afsos dans son Arâïsch-i mahfil. Voici quelques lignes empruntées à ce morceau : elles contrastent d’autant plus avec l’état actuellement désert et désolé de cette malheureuse capitale, qu’elles sont empreintes du caractère d’exagération qui fait le propre des écrits orientaux.

« Les nombreux édifices de Delhi sont élégants et agréables, et ses jardins sont les plus beaux du monde. Partout il y a des ruisseaux d’eau courante ; de lieu en lieu se trouvent des étangs pleins comme une coupe… Si Rizwan voyait la beauté de cet endroit, il ne voudrait plus garder la porte du paradis. Chaque quartier de cette ville est plus spacieux qu’un des sept climats, sa plus petite rue est plus grande qu’une ville entière. Il y a foule en chaque lieu et partout il y a de quoi satisfaire les regards. Les habitants de différentes villes et de divers villages ont fixé là leur résidence, y ayant trouvé leur avantage et leur bien-être. On y voit en quantité toutes sortes de personnes et des objets de chaque royaume. Il est impossible d’y manquer d’une chose quelconque. Tout le bazar est remarquable, mais sa principale rue est ce qu’il y a de plus beau dans la ville entière. Chacune de ses boutiques est incomparable. Les marchandises qui y sont étalées sont dignes d’un roi. L’emplacement du marché est tellement dilaté que le cœur se dilate en le voyant : il est tellement propre, que si on y répandait du riz cuit on pourrait le manger encore. Là les courtiers ne daignent pas regarder les commerçants et les plus petits marchands ne font pas cas des joailliers : le magasin d’un seul mercier a autant de mercerie que tout Constantinople ; le comptoir d’un seul changeur vaut tous les comp-