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circonlocution cette fois, mais combien plus sensible et énergique : à main. Travailler beaucoup, c’est abattre de l’ouvrage. S’attacher fortement à quelqu’un, c’est s’achienneter. Subitement devient à coup, c’est-à-dire d’un seul coup. Loin, c’est à désamain, c’est-à-dire qui n’est plus à la portée de la main. Amadouer, chercher à concilier quelqu’un, c’est l’affiler, de même qu’on affile en promenant doucement sur la main, d’où cette expression : « pour le convaincre, il faut d’abord l’affiler ». Saisir, c’est agrafer ou agricher. Payer, c’est s’allonger, cela marque bien l’effort moral et parfois matériel que cause un paiement. Voici le mot amancher, tout matériel, il va signifier, avec le manche, bien des choses pour lesquelles nous avons des mots divers et abstraits : ajuster, arranger, habiller, même donner un coup, ou tromper. Adoucir a un sens moral, voici son image sensible et matérielle un peu abaissée : amollir. Battre, c’est aplatir ; cette fois on aperçoit l’homme battu dans la position que les coups lui ont donnée. Beaucoup était autrefois dans la langue latine une image ; maintenant cette image s’est plus affaiblie, le Canadien la ressuscite par à plein. De même, l’idée avec force se rend par d’aplomb. Au lieu de fournir les preuves, mots tous de raison, voici le mot amener ; amener les preuves, combien plus énergique, on les voit arriver. Injurier, c’est abîmer. Faire des propositions, c’est approcher. Se tirer d’embarras, c’est s’arracher. Le repos, c’est l’arrêt, matériel et visible : arrêtez de parler. Ce qui est simplement ennuyeux pour nous est assommant pour le peuple, on voit tomber alors sous le coup de l’ennui. Tout près, cela s’aperçoit sans doute déjà, mais à ras, cela se voit bien davantage, et c’est plus près encore, on rase l’objet. La dépense de travail, c’est une attelée, de même maîtriser quelqu’un, c’est l’atteler ; le voilà attaché comme un bœuf ou un cheval, on le voit ainsi, on ne le pense plus seulement. Une foule est une