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sait digne de mille couronnes, et maintenant ils le chargent de chaînes ; naguère ils lui servaient de cortège, comme à leur maître ; et maintenant ils le gardent comme un fugitif, et ils arrachent de ses mains le voile dont il veut couvrir sa tête. Ils l'avaient décoré de la toge bordée de pourpre, et maintenant ils le frappent sur la joue ! Ils s'étaient prosternés à ses pieds, ils lui avaient offert des sacrifices comme à un dieu ; et maintenant ils le conduisent à la mort ! Le peuple aussi, accouru sur son passage, lui reprochait avec mille imprécations la mort de plusieurs citoyens, et se moquait des rêves de son ambition. Il renversait toutes ses statues, les faisait voler en éclats et les traînait dans la boue, comme s'il eût assouvi sa fureur sur Séjan lui-même, qui put voir ainsi à quels supplices il était réservé. On le mit en prison : bientôt après, que dis je ? le jour même, le sénat s'assembla dans le temple de la Concorde, situé prés delà : profitant de l'état des esprits, et ne voyant autour de Séjan aucun prétorien, il le condamna à la peine capitale. Séjan fut donc précipité du haut des gémonies, livré pendant trois jours aux insultes de la populace, et jeté enfin dans le Tibre[1]. »

L'intérêt du récit, le choix et la sobriété des

  1. Dion, liv. LVIII, II.