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XVIII.

Le fragment suivant d’une lettre que m’adressait Longin pour m’engager à aller de Sicile le rejoindre en Phénicie et à lui apporter les ouvrages de mon maître fera bien connaître quel jugement il portait sur Plotin, à une époque où il le connaissait surtout par ce que je lui écrivais moi-même sur son compte :

… Envoie-moi ces ouvrages quand tu le voudras, ou plutôt apporte-les avec toi ; car si tu te décides à voyager, je te supplierai sans relâche de préférer la Phénicie à toute autre contrée. Nous n’avons pas, il est vrai, de richesses scientifiques qui puissent tenter ta curiosité ; mais à défaut d’autres motifs, je puis faire valoir notre ancienne intimité et la pureté de l’air parfaitement approprié à la faiblesse corporelle dont tu te plains. Si tu avais conçu d’autres espérances, détrompe-toi, et n’attends de moi rien de nouveau, pas même les ouvrages anciens que tu dis perdus. Il y a ici une telle disette de scribes que, malgré tous mes efforts pour me procurer les écrits de Plotin qui me manquaient, j’ai pu à peine, depuis si longtemps, mener à fin cette entreprise. Et cependant j’ai fait négliger à mon secrétaire ses occupations habituelles, pour l’employer à ce seul travail. Maintenant que j’ai reçu ce que tu m’as envoyé, je crois que je possède la totalité de ses ouvrages ; mais je ne les possède qu’à demi, les exemplaires que j’ai entre les mains étant excessivement défectueux. J’espérais que notre ami Amélius aurait corrigé les fautes des copistes ; mais il avait sans doute d’autres soins plus importants. Toujours est-il que dans l’état actuel je ne sais quel parti en tirer. Je désire ardemment lire ce que Plotin a écrit sur l’âme et sur l’être, et ces deux ouvrages sont précisément les plus fautifs de toute la collection. Tâche donc, je t’en supplie, de me procurer un texte correct ; je me contenterai de le lire et te le renverrai aussitôt : ou plutôt, pour répéter ce que je disais en commençant, apporte-moi toi-même ces deux traités et les autres, s’il en est quelques-uns qui aient échappé à Amélius ; car j’ai soigneusement recueilli tous ceux qu’il a apportés. Comment en effet aurais-je hésité à me procurer des ouvrages