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Si chaque plaisir était condensé, pour ainsi dire ; s’il durait longtemps, s’il affectait tout le corps ou les parties les plus essentielles, les plaisirs ne différeraient point entre eux.

Si les moyens auxquels les voluptueux demandent le plaisir pouvaient dissiper les inquiétudes de l’âme et bannir les terreurs que nous inspirent les phénomènes célestes, la mort et la souffrance ; s’ils nous enseignaient quel doit être le terme de nos désirs, nous n’aurions aucun reproche à adresser aux voluptueux, puisque enivrés de toute espèce de plaisirs, ils n’éprouveraient jamais ni la douleur ni l’inquiétude, qui sont les seuls maux véritables.

Si nous n’étions accessibles ni aux vagues terreurs qu’inspirent les phénomènes célestes, ni à la crainte de la mort ; si nous avions le courage d’envisager avec calme[1] la durée de la douleur et le terme naturel de nos désirs, la physiologie[2] nous serait inutile.

Mais il était impossible à l’homme, ignorant la nature de l’univers et dominé par les vagues impressions des fables, de triompher des craintes qui s’attachent aux questions les plus essentielles ; on ne pouvait donc goûter des plaisirs purs sans la physiologie.

Que sert-il de ne rien craindre des hommes, si l’on n’envisage qu’avec terreur ce qui se passe dans les cieux, sous la terre, dans l’infini ?

Une puissance incontestée, de vastes biens peuvent, jusqu’à un certain point, nous procurer la sécurité à l’égard des hommes ; mais la sécurité du grand nombre a pour principe la tranquillité d’âme et l’absence d’ambition.

Les véritables richesses, celles de la nature, sont en petit nombre et faciles à acquérir, mais les vains désirs sont insatiables.

Le sage est peu favorisé des avantages de la fortune ; mais la

  1. Je lis : Εἴ τις ἔτι τετόλμηκε
  2. Physique, science de la nature en général.