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dante, mais bien la plus agréable ; de même le sage mesure le bonheur non pas au temps, mais aux jouissances qu’il procure. Quant à ceux qui proclament que la vie est un bien pour le jeune homme, et la mort un bien pour le vieillard, ils s’abusent étrangement ; non-seulement parce que la vie est toujours un bien, mais aussi parce que bien vivre et bien mourir sont une seule et même chose. Il est plus absurde encore celui qui dit :

Ce serait un bien de n’être pas né,
mais une fois entré dans la vie, il faut franchir au plus vite les portes des enfers[1].

S’il parle sérieusement, pourquoi ne quitte-t-il pas la vie ? Rien n’est plus facile pour qui le veut fermement. Si ce n’est qu’un jeu, il a tort de plaisanter sur un sujet qui ne le comporte point.

Il faut songer aussi que l’avenir n’est pas à nous absolument, mais que cependant il nous appartient jusqu’à un certain point ; et par suite il ne faut ni y compter, comme s’il était assuré, ni en désespérer, comme s’il ne devait pas être.

Songeons aussi que nos tendances affectives sont ou naturelles, ou vaines et factices. Les tendances naturelles sont ou nécessaires ou simplement naturelles. Parmi celles qui sont nécessaires, les unes le sont au bonheur, les autres au bon état du corps, d’autres à la conservation de la vie. Une théorie fidèle et vraie de ces tendances ramène tout ce que nous devons rechercher et éviter à un but unique, la santé du corps et la tranquillité de l’âme. En effet, notre but en toutes choses est d’échapper à la douleur et à l’inquiétude. Ce but atteint, toute agitation de l’âme cesse à l’instant ; car l’animal n’a plus aucun besoin qui le pousse à aller en avant et à chercher autre chose, du moment où il possède dans leur plénitude les biens de l’âme et du corps. Nous sentons le besoin du plaisir lorsque nous souffrons de son absence ; mais du moment où il n’y a pas souffrance, le besoin ne se fait pas sentir. C’est pour cela que nous faisons du plaisir le principe et la fin de la félicité : c’est le premier bien que nous connaissions, un bien inhérent à notre nature ; il est le principe de toutes nos déterminations, de nos

  1. Vers de Théognis