Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/565

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la différence des lieux et des peuples. Plus tard on établit d’une manière uniforme dans chaque nation des termes particuliers destinés à rendre les relations plus faciles et le langage plus court. Des hommes instruits introduisirent la notion des choses non sensibles, et y approprièrent des mots lorsqu’ils furent dans la nécessité d’énoncer leurs pensées ; ensuite les autres hommes, guidés surtout par le raisonnement, interprétèrent ces mots dans le même sens.

Quant aux phénomènes célestes, comme le mouvement et le cours des astres, les éclipses, le lever et le coucher, et tous les phénomènes du même genre ; il faut se garder de les croire produits par un être particulier qui ait réglé ou qui doive régler pour l’avenir l’ordre du monde, être immortel et parfaitement heureux. Car les soucis et les soins, la bienveillance et la colère, bien loin d’être conciliables avec la félicité, sont au contraire la conséquence de la faiblesse, de la crainte et du besoin qu’on a d’autrui. Il ne faut pas croire non plus[1] que ces globes de feu qui roulent dans l’espace jouissent d’un bonheur parfait et se donnent eux-mêmes avec réflexion et sagesse les mouvements qu’ils possèdent ; mais il faut respecter les notions accréditées à ce sujet, pourvu cependant qu’elles ne contredisent en rien le respect dû à la vérité ; car rien n’est plus propre à troubler l’âme que cette lutte de notions et de principes contradictoires. Il faut donc admettre que du mouvement premier imprimé à ces corps célestes lors de l’organisation du monde, dérive une sorte de nécessité qui règle aujourd’hui leur cours.

Sachons bien que c’est à la physiologie qu’il appartient de déterminer les causes des phénomènes les plus élevés, et que la félicité consiste surtout dans la science des choses célestes et de leur nature ; dans la connaissance des phénomènes analogues qui peuvent servir à comprendre ceux-là. Ces phénomènes célestes admettent plusieurs explications ; ils n’ont pas une raison d’être nécessaire, et on peut en rendre compte de diverses manières ; en un mot, ils ne se rapportent point — la seule réflexion le prouve — à des natures impérissables et bienheureuses qui n’admettent aucune division, aucun trouble. Quant à la connaissance théorique du coucher et du lever des astres,

  1. Manuscrit : Μήτε αὖ πυρὶ ἅμα ὄντα συνεστραμμένα, τὴν μακαριότάτην κεκτημένα καταϐούλησιν, τάς