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Le sixième se tire du mélange et de la confusion des objets : aucune chose ne nous apparaît en elle-même et sans mélange ; elle est unie à l’air, à la lumière, à l’humidité, à la solidité, à la chaleur, au froid, au mouvement, à des vapeurs, à mille autres forces. La pourpre ne paraît pas avoir la même couleur au soleil qu’à la lumière de la lune ou à celle d’une lampe. La couleur de notre corps n’est pas la même à midi et au coucher du soleil. Une pierre qu’on ne peut soulever dans l’air est facilement déplacée dans l’eau, soit parce qu’elle est lourde en elle-même, et que l’eau la rend légère, soit parce que, légère en elle-même, elle est rendue pesante par l’air. De même donc que nous ne pouvons discerner l’huile dans un onguent, de même aussi il nous est impossible de démêler les qualités propres de chaque chose.

Le septième est relatif aux distances, à la position, à l’espace et aux objets qui sont dans l’espace. On établit dans ce trope que ce que nous croyons grand semble petit dans certains cas ; ce que nous croyons carré semble rond ; ce qui est uni paraît couvert d’aspérités ; le droit semble courbe ; le jaune offre l’apparence d’une autre couleur ; le soleil nous paraît petit à cause de la distance ; les montagnes, vues de loin, ressemblent à des masses aériennes parfaitement polies ; de près, elles sont âpres et abruptes. Le soleil n’a pas la même apparence à son lever et au milieu de sa course. L’aspect d’un même corps varie suivant qu’on le voit dans une forêt ou en rase campagne. Les images des objets changent selon leur position par rapport à nous : le cou de la colombe se nuance diversement si on l’examine de différents points. Comme, d’un autre côté, on ne peut connaître les choses abstraction faite du lieu et de la position, leur nature véritable nous échappe.