Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/227

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lonidès cessent donc de répéter cette même histoire, et toi, juge-moi par moi-même. »

Bion savait au besoin captiver ses auditeurs par le charme de sa parole et se faire applaudir. Il a laissé une foule de commentaires, ainsi que des maximes ingénieuses et utiles, celles-ci entre autres :

On lui reprochait de n’avoir pas attiré à lui un jeune homme : « Un fromage mou, dit-il, ne se prend pas à l’hameçon. »

On lui demanda un jour quel était le plus malheureux des hommes. « C’est, répondit-il, celui qui recherche les jouissances avec le plus d’ardeur. »

Quelqu’un lui demandait s’il devait se marier (car on lui attribue aussi ce trait) ; il répondit : « Si tu prends une femme laide, tu t’en dégoûteras ; une belle, tu n’en jouiras pas seul. »

Il disait que la vieillesse est le port de tous les maux ; car c’est là que tous les malheurs viennent en foule se réfugier ; que la gloire est la mère des années[1] ! la beauté un bien pour les autres, et la richesse le nerf des affaires. Rencontrant un homme qui avait mangé tout son bien, il lui dit : « La terre a englouti Amphiaraüs, et toi tu as englouti la terre. »

Il avait coutume de dire que c’est un grand malheur que de ne savoir point supporter le malheur ; qu’il est absurde de brûler les morts comme s’ils étaient insensibles, et de les invoquer en même temps comme s’ils sentaient encore ; qu’il vaut mieux abandonner sa beauté aux passions d’un autre que de brûler pour celle d’autrui, parce que, dans le dernier cas, l’âme et le corps souffrent en même temps.

Il disait de Socrate que si, pouvant jouir d’Alci-

  1. Elle fait durer et vivre le nom des hommes.