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beauté, et que, dans le cas contraire, ils fissent oublier leur laideur par la science et la vertu. Un jour qu’il avait invité à dîner des gens riches, Xanthippe rougissait de la modicité du repas : « Ne t’inquiète pas, lui dit-il : s’ils sont sobres et discrets, ils seront indulgents ; s’ils ne le sont pas, laissons-les pour ce qu’ils valent. »

Il disait que les autres hommes vivaient pour manger, et que lui mangeait pour vivre ; que faire cas de la multitude ignorante, c’est imiter celui qui refuserait une pièce de quatre drachmes, comme mauvaise, et qui accepterait un monceau de pièces semblables. Eschine lui ayant dit : « Je suis pauvre, je n’ai rien à t’offrir que ma personne ; je me donne à toi. — Ne vois-tu pas, répondit Socrate, que tu me fais le plus magnifique présent ? » Un homme s’affligeait du mépris où il était tombé depuis l’usurpation des trente : « En aurais-tu du regret ? » lui dit Socrate. Un autre lui ayant dit : « Les Athéniens t’ont condamné à mort, » il reprit : « La nature a prononcé contre eux le même arrêt ; » réponse que l’on attribue aussi à Anaxagore.

« Tu meurs injustement, lui disait sa femme. — Aimerais-tu mieux, reprit-il, que ce fût justement ? »

Ayant rêvé qu’une voix lui disait :

Dans trois jours tu aborderas aux champs fertiles de la Phthie[1],
il déclara à Eschine qu’il mourrait dans trois jours. Lorsqu’il fut sur le point de boire la ciguë, Apollodore lui offrit un riche manteau, afin qu’il s’en couvrît pour mourir. « Eh quoi ! dit Socrate, mon man-

  1. Homère, Iliade, IX, 363.