Page:Diogène Laërce - Vies, édition Lefèvre,1840.djvu/89

Cette page n’a pas encore été corrigée

cependant voyant que les juges balançaient et n’étaient pas d’accord entre eux : « Vu les actions que j’ai faites, dit-il, je crois que la peine à laquelle il faut me condamner est de m’entretenir dans le Prytanée[1]. »

À peine eut-il dit cela, que quatre-vingts nouvelles voix se joignirent à celles qui opinaient à la rigueur. Il fut jugé digne de mort, conduit en prison, et peu de jours après il but la ciguë. Avant ce moment il fit un discours élégant et solide, que Platon a rapporté dans son Phédon. Plusieurs croient qu’il composa même un hymne qui commence par ces mots :

Je vous salue, Apollon de Délos et toi Diane, enfants illustres.

Mais Dyonisodore prétend que cet hymne n’est point de lui. Il fit aussi une fable à l’imitation de celles d’Ésope, mais assez mal conçue ; elle commence de cette manière :

Esope recommanda au sénat de Corinthe de ne point juger la vertu par les avis du peuple.

Telle fut la fin de Socrate ; mais les Athéniens en eurent bientôt tant de regret, qu’ils firent fermer les lieux où on s’exerçait à la lutte et aux jeux gymniques ; ils exilèrent les ennemis de Socrate ; et pour Mélitus, ils le condamnèrent à mort. Ils élevèrent à la mémoire de Socrate une statue d’airain qui fut faite par Lysippus, et la placèrent dans le lieu appelé Pompée. Les habitants d’Héraclée chassèrent Anytus de leur ville le même jour qu’il y était entré. Au reste, ce n’est pas seulement envers Socrate que les Athéniens en ont mal agi ; ils ont maltraité plusieurs autres grands hommes ; ils traitèrent Homère d’insensé, et le mirent à une amende de cinquante drachmes, comme le dit Héraclide ; ils accusèrent Tyrtée de folie, et condamnèrent Astydamas, le plus illustre imitateur d’Eschyle, à une amende de vingt pièces de cuivre : aussi Euripide

  1. Édifice public à Athènes et dans d’autres villes de la Grèce, où les orphelins et ceux qui avaient rendu des services à la patrie étaient entretenus.