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père l’ayant envoyé aux champs pour en rapporter une brebis, il s’égara à l’heure de midi, et entra dans une caverne où il s’assoupit et dormit pendant cinquante-sept-ans. A son réveil il chercha sa brebis, comptant n’avoir pris qu’un peu de repos; mais comme il ne la trouva plus, il retourna aux champs. Étonné de voir que tout avait changé de face et de possesseur, il prit le chemin de son village, où, voulant entrer dans la maison de son père, on lui demanda qui il était; à peine fut-il reconnu de son frère, qui avait vieilli depuis ce temps-là, et par les discours duquel il comprit la vérité.

Au reste, sa réputation se répandit tellement en Grèce qu’on alla jusqu’à le croire particulièrement favorisé du ciel. Dans cette idée, les Athéniens étant affligés de la peste, sur la réponse de l’oracle qu’il fallait purifier la ville, envoyèrent Nicias, fils de Nicérate, en Crète, pour chercher Épiménide et l’amener à Athènes. Il s’embarqua la quarante-sixième olympiade, purifia la ville, et fit cesser la contagion. Il s’y était pris de cette manière. Il choisit des brebis blanches et noires qu’il mena jusqu’au lieu de l’Aréopage, d’où il les laissa aller au hasard, en ordonnant à ceux qui les suivraient de les sacrifier aux divinités des lieux où elles s’arrêteraient. Ainsi cessa la peste; et il est certain que, dans tous les villages d’Athènes, on rencontre encore aujourd’hui des autels sans dédicace élevés en mémoire de cette expiation. Il y en a qui prétendent que la cause de cette peste fut le crime commis dans la personne de Cylon, voulant parler de la manière dont il avait perdu la vie[1]; ils ajoutent que la mort de deux jeunes gens, Cratinus et Ctésibius, fit cesser la calamité. Les Athéniens, en reconnaissance du service qu’Épiménide leur avait rendu, résolurent de lui donner un talent et le vaisseau qui devait le reconduire en Crète; mais il n’accepta aucune argent, et n’exigea d’eux que de

  1. C’était un rebelle, ou un séditieux, qui s’étant réfugié auprès de l’autel des Euménides en fut arraché.