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l’agitation, que l’homme croit être au dernier période de sa félicité, qu’il n’y a plus rien qui puisse satisfaire son esprit et contribuer à sa santé.

« La fuite du plaisir fait naître la douleur, et la douleur fait naître le plaisir ; c’est pourquoi nous appelons ce même plaisir la source et la fin d’une vie bienheureuse, [129] parce qu’il est le premier bien que la nature nous inspire dès le moment de notre naissance ; que c’est par lui que nous évitons des choses, que nous en choisissons d’autres, et qu’enfin tous nos mouvements se terminent en lui ; c’est donc à son secours que nous sommes redevables de savoir discerner toutes sortes de biens.

« La frugalité est un bien que l’on ne peut trop estimer ; ce n’est pas qu’il faille toujours la garder régulièrement, mais son habitude est excellente, afin que n’ayant plus les choses dans la même abondance, nous nous passions de peu, sans que cette médiocrité nous paraisse étrange ; aussi faut-il graver fortement dans son esprit que c’est jouir d’une magnificence pleine d’agrément que de se satisfaire sans aucune profusion.

[130] « La nature, pour sa subsistance, n’exige que des choses très faciles à trouver ; celles qui sont rares et extraordinaires lui sont inutiles, et ne peuvent servir qu’à la vanité ou à l’excès. Une nourriture commune donne autant de plaisir qu’un festin somptueux, et c’est un ragoût admirable que l’eau et le pain lorsque l’on en trouve dans le temps de sa faim et de sa soif.

« Il faut donc s’habituer à manger sobrement et simplement, sans rechercher toutes ces viandes délicatement préparées ; la santé trouve dans cette frugalité sa conservation, et l’homme, par ce moyen, devient plus robuste et beaucoup plus propre à toutes les actions de la vie. [131] Cela est cause que s’il se trouve par intervalles à un meilleur repas, il y mange avec plus de plaisir ; mais le principal, c’est que par ce secours nous ne craignons point les vicissitudes de la fortune, parce qu’étant accoutumés à nous passer de peu, quelque abondance qu’elle nous ôte, elle ne fait que nous remettre dans un état qu’elle ne nous peut ravir, par la louable habitude que nous avons prise.

« Ainsi lorsque nous assurons que la volupté est la fin d’une vie bienheureuse, il ne faut pas s’imaginer que nous entendions parler de ces sortes de plaisirs qui se trouvent dans la jouissance de l’amour, ou dans le luxe et l’excès des bonnes tables, comme quelques ignorants l’ont voulu insinuer, aussi bien que les ennemis de notre secte, qui nous ont