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au travail de la spéculation. L’homme n’a point de temps limité, et ne doit jamais manquer de force pour guérir son esprit de tous les maux qui l’affligent.

« Ainsi celui qui excuse sa négligence sur ce qu’il n’a pas encore assez de vigueur pour cette laborieuse application, ou parce qu’il a laissé échapper les moments précieux qui pouvaient le conduire à cette découverte, ne parle pas mieux que l’autre qui ne veut pas se tirer de l’orage des passions, ni des malheurs de la vie, pour en mener une plus tranquille et plus heureuse, parce qu’il prétend que le temps de cette occupation nécessaire n’est pas encore arrivé ; ou qu’il s’est écoulé d’une manière irréparable.

« Il faut donc que les jeunes gens devancent la force de leur esprit, et que les vieux rappellent toutes celles dont ils sont capables pour s’attacher à la philosophie ; l’un doit faire cet effort afin qu’arrivant insensiblement au terme prescrit à ses jours, il persévère dans l’habitude de la vertu qu’il s’est acquise ; et l’autre afin qu’étant chargé d’années, il connaisse que son esprit à toute la fermeté de la jeunesse pour se mettre au-dessus de tous les événements de la fortune, et pour lui faire regarder avec intrépidité tout ce qui peut l’alarmer dans la spéculation de l’avenir, dont il est si proche.

[123] « Méditez donc, mon cher Ménecée, et ne négligez rien de tout ce qui peut vous mener à la félicité ; heureux celui qui s’est fixé dans cette situation tranquille ! il n’a plus de souhaits à faire, puisqu’il est satisfait de ce qu’il possède ; et s’il n’a pu encore s’élever à ce degré d’excellence il doit faire tous ses efforts pour y atteindre.

« Suivez donc les préceptes que je vous ai donnés si souvent, mettez-les en pratique, qu’ils soient les sujets continuels de vos réflexions, parce que je suis convaincu que vous y trouverez, pour la règle de vos mœurs, une morale très régulière.

« La base sur laquelle vous devez appuyer toutes vos maximes, c’est la pensée de l’immortalité et de l’état bienheureux des dieux : ce sentiment est conforme à l’opinion qui s’en est répandue parmi les hommes ; mais aussi prenez garde qu’en définissant la divinité, vous lui donniez aucun attribut qui profane la grandeur de son essence, en diminuant son éternité ou sa félicité suprême ; donnez à votre esprit sur cet Être divin tel essor qu’il vous plaira, pourvu que son immortalité et sa béatitude n’en reçoivent aucune atteinte.

« Il y a des dieux, c’est une connaissance consacrée à la postérité ; mais leur existence est tout à fait différente de celle qu’ils trouvent dans l’imagination des hommes. Celui-là donc n’est point un impie téméraire