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« Le sage peut être outragé par la haine, par l’envie, ou par le mépris des hommes ; mais il croit qu’il dépend de lui de se mettre au-dessus de tout préjudice par la force de sa raison. La sagesse est un bien si solide qu’elle ôte, à celui qui l’a en partage, toute disposition à changer d’état, et l’empêche de sortir de son caractère, quand même il en aurait la volonté. À la vérité le sage est sujet aux passions ; mais leur impétuosité ne peut rien contre sa sagesse. Il n’est point de toutes les complétions, ou de toutes les sortes de tempéraments ; qu’il se sente affligé par les maladies, [118] mis à la torture par les douleurs, il n’en est pas moins heureux. Également officieux envers ses amis, lui seul sait les obliger véritablement, soit qu’ils soient présents sons ses yeux, ou qu’il les perde de vue dans l’absence. Jamais on ne l’entendra pousser des cris, se lamenter et se désespérer dans le fort de la douleur. Il évitera d’avoir commerce avec toute femme, dont l’usage est prohibé par les lois, selon ce qu’en dit Diogène dans son Abrégé des Préceptes moraux d’Épicure.

« Il ne sera point assez cruel pour accabler ses esclaves de grands tourments ; loin de là, il aura pitié de leur condition, et pardonnera volontiers à quiconque mérite de l’indulgence en considération de sa probité ; il sera insensible aux aiguillons de l’amour, lequel, dit Diogène, livre XII, n’est point envoyé du ciel sur la terre. Les plaisirs de cette passion ne furent jamais utiles ; au contraire, on est trop heureux lorsqu’ils n’entraînent point après eux des suites qu’on aurait sujet de déplorer.

[119] « Le sage ne s’embarrassera nullement de sa sépulture et ne s’appliquera point à l’art de bien dire. Il pourra, au sentiment d’Épicure dans ses Doutes et dans ses livres de la Nature, se marier et procréer des enfants par consolation de se voir renaître dans sa postérité. Néanmoins, il arrive dans la vie des circonstances qui peuvent dispenser le sage d’un pareil engagement, et lui en inspirer le dégoût. Épicure, dans son Banquet, lui défend de conserver la rancune dans l’excès du vin, et dans son premier livre de la Conduite de la vie, il lui donne l’exclusion en ce qui regarde le maniement des affaires de la république. Il n’aspirera point à la tyrannie, il n’imitera pas les cyniques dans leur façon de vivre, ni ne s’abaissera jusqu’à mendier ses besoins, dit encore Épicure dans son deuxième livre de la Conduite de la vie. Quoiqu’il perde la vue, ajoute-t-il dans cet ouvrage, il continuera de vivre sans regret. Il convient pourtant avec Diogène, dans le livre V de ses Opinions choisies, que le sage peut s’attrister en certaines