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« L’univers est corporel. Qu’il y ait des corps, c’est ce qui tombe sous les sens, selon lesquels nous formons des conjectures, en raisonnant sur les choses qui nous sont cachées, comme on l’a dit plus haut. [40] S’il n’y avait point de vide ni de lieu, ce qu’autrement nous désignons par le nom de nature impalpable, les corps n’auraient point d’endroit où ils pourraient être, ni on ils pourraient se mouvoir, quoiqu’il soit évident qu’ils se meuvent. Mais, hors de là, il n’y a rien qu’on poisse concevir, ni par pensée, ni par voie de compréhension, ni par analogie tirée de choses qu’on a comprises ; rien, non de ce qui concerne les qualités ou les accidents des choses, mais de ce qui concerne la nature des choses en général.

« Épicure propose à peu prêt les mêmes principes dans le premier livre de son ouvrage sur la Nature, et dans le quatorzième et le quinzième, ainsi que dans son grand Abrégé. Quant aux corps, les uns sont des assemblages, les autres des corps dont ces assemblages sont formés. [41] Ceux-ci sont indivisibles et immuables, à moins que toutes choses ne s’anéantissent en ce qui n’est point ; mais ces corps subsisteront constamment dans les dissolutions des assemblages, existeront par leur nature, et ne peuvent être dissous, n’y ayant rien en quoi et de quelle manière ils puissent se résoudre. Aussi il faut de toute nécessité que les principes des corps soient naturellement indivisibles.

« L’univers est infini ; car ce qui est fini a une extrémité, et ce qui a une extrémité est conçu borné par quelque chose. Donc ce qui n’a point d’extrémité n’a point de bornes, et ce qui n’a nulles bornes est infini et sans terme.

« Or l’univers est infini à deux égards, par rapport au nombre des corps qu’il renferme et par rapport a la grandeur du vide ; [42] car si le vide était infini et que le nombre des corps ne le fût pas, les corps n’auraient nulle part de lieu où ils pussent se fixer, et ils erraient dispersés dans le vide, parce qu’ils ne rencontreraient rien qui les arrêtât et ne recevraient point de répercussion. D’un autre côté, si le vide était fini et que les corps fussent infinis en nombre, cette infinité de corps empêcherait qu’ils n’eussent d’endroit à se placer.

« Ces corps solides et indivisibles dont se forment et dans lesquels se résolvent les assemblages sont distingués par tant de sortes de figures, qu’on n’en peut concevoir la variété. En effet, il est impossible de se représenter qu’il y ait tant de conformations différentes de corps indivisibles. Au reste, chaque espèce de figures d’atomes renferme des atomes à l’infini ; mais ces espèces mêmes ne sont point infinies,