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il avait été contraint de se faire soldat pour subsister, et qu’il avait été réduit jusqu’à distribuer des remèdes pour de l’argent.

Il donnait à Protagore le nom de porteur de mannequins, celui de scribe et de maître d’école de village à Démocrite. Il traitait Héraclite d’ivrogne. Au lieu de nommer Démocrite par son nom, il l’appelait Lémocrite, qui veut dire chassieux. Il disait qu’Antidore était un enjôleur ; que les cyrénaïques étaient ennemis de la Grèce ; que les dialecticiens crevaient d’envie, et qu’enfin Pyrrhon était un ignorant et un homme mal élevé.

[9] Ceux qui lui font ces reproches n’ont agi sans doute que par un excès de folie. Ce grand homme a de fameux témoins de son équité et de sa reconnaissance : l’excellence de son bon naturel lui a toujours fait rendre justice à tout le monde. Sa patrie célébra cette vérité par les statues qu’elle dressa pour éterniser sa mémoire. Elle fut consacrée par ses amis, dont le nombre fut si grand, qu’à peine les villes pouvaient-elles les contenir, aussi bien que par ses disciples, qui s’attachèrent à lui par le charme de sa doctrine, laquelle avait, pour ainsi dire, la douceur des sirènes. Il n’y eut que le seul Métrodore de Stratonice qui, presque accablé par l’excès de ses bontés, suivit le parti de Carnéade.

La perpétuité de son école triompha de ses envieux ; et parmi la décadence de tant d’autres sectes, la sienne se conserva toujours, par une foule continuelle de disciples qui se succédaient les uns aux autres.

[10] Sa vertu fut marquée en d’illustres caractères, par la reconnaissance et la piété qu’il eut envers ses parents, et par la douceur avec laquelle il traita ses esclaves ; témoin son testament, où il donna la liberté à ceux qui avaient cultivé la philosophie avec lui, et particulièrement au fameux Mus, dont nous avons déjà parlé.

Cette même vertu fut enfin généralement connue par la bonté de son naturel, qui lui fit donner universellement