Page:Diogène Laërce - Vies, édition Lefèvre,1840.djvu/46

Cette page n’a pas encore été corrigée
30
CHILON.

ner sa maison; qu’il faut prendre garde que la langue ne prévienne la pensée; qu’il importe beaucoup de vaincre la colère; qu’il ne faut pas rejeter la divination; qu’on ne doit pas désirer des choses impossibles ; qu’il ne faut pas marcher avec précipitation, et que c’est une marque de peu d’esprit de gesticuler des mains en parlant; qu’il faut obéir aux lois; qu’il faut aimer la solitude. Mais la plus belle de toutes les sentences de Chilon est celle-ci : Que comme les pierres de touche servent à éprouver l’or et en font connaître la bonté, pareillement l’or répandu parmi les hommes fait connaître le caractère des bons et des méchants. On dit qu’étant avancé en âge, il se réjouissait de ce que, dans toutes ses actions, il ne s’était jamais écarté de la raison ; ajoutant qu’il avait cependant de l’inquiétude au sujet d’un jugement qu’il avait porté, et qui intéressait la vie d’un de ses amis : c’est qu’il jugea lui-même selon la loi, mais qu’il conseilla à ses amis d’absoudre le coupable, pensant ainsi tout à la fois sauver son ami et observer la loi. Il fut particulièrement estimé des Grecs pour la prédiction qu’il lit touchant Cythère, île des Lacédémoniens. Ayant appris la situation de cet endroit, il s’écria : « Plût aux dieux que cette île n’eût jamais existé, ou qu’elle eût été engloutie par les vagues au moment de sa naissance! » Et il ne prévit pas mal : car Démarate, s’étant enfui de Lacédémone, conseilla à Xerxès de tenir sa flotte sur les bords de cette île; et il n’est pas douteux que la Grèce ne fût tombée au pouvoir de ses ennemis, s’il avait pu faire goûter ce dessein au roi. Dans la suite, Cythère ayant été ruinée durant la guerre du Péloponnèse, Nicias y mit une garnison d’Athéniens, et fit beaucoup de mal aux Lacédémoniens. Chilon s’exprimait en peu de paroles, façon de parler qu’Aristagore nomme chilonienne, et qu’il dit avoir été celle dont se servait aussi Branchus, qui bâtit le temple des Branchiades. Il était déjà vieux vers la cinquante-deuxième olympiade,