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aussi qu’il y a de la différence dans le sens dont ils sont doués. Le faucon a la vue perçante, le chien l’odorat fin. Or il faut nécessairement qu’y ayant diversité dans la manière dont ils voient les objets, il y en ait aussi dans les idées qu’ils s’en forment. Les chèvres broutent des branches d’arbrisseaux, mais les hommes les trouvent amères; la caille mange de la ciguë, c’est une poison pour les hommes; le porc se nourrit de fiente, ce qui répugne au cheval.

En second lieu, ils allèguent la différence qui se remarque entre les hommes selon les tempéraments. Démophon, maître d’hôtel d’Alexandre, avait chaud à l’ombre et froid au soleil. Aristote dit qu’Andron d’Argos traversait les sables de Libye sans boire. L’un s’applique à la médecine, l’autre à l’agriculture, celui-là au négoce, et ce qui est nuisible aux uns se trouve être utile aux autres; nouveau sujet d’incertitude.

En troisième lieu, ils se fondent sur la différence des organes des sens. une pomme paraît pâle à la vue, douce au goût, agréable à l’odorat. Le même objet, vu dans un miroir, change selon que le miroir est disposé. D’où il s’ensuit qu’une chose n’est pas plus telle qu’elle paraît qu’elle n’est telle autre.

En quatrième lieu, ils citent les différences qui ont lieu dans la disposition, et en général les changements auxquels on est sujet par rapport à la santé, à la maladie, au sommeil, au réveil, à la joie, à la tristesse, à la jeunesse, à la vieillesse, au courage, à la crainte, au besoin, à la répétition, à la haine, à l’amitié, au chaud, au froid. Tout cela influe sur l’ouverture ou le resserrement des pores des sens : de sorte qu’il faut que les choses paraissent autrement, selon qu’on est différemment disposé. Et pourquoi décide-t-on que les gens qui ont l’esprit troublé sont dans un dérangement de nature? Qui peut dire qu’ils sont dans ce cas plutôt que nous n’y sommes? Ne voyons-nous pas nous-mêmes le soleil comme s’il