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liez. Il fut recherché de Darius, et ce prince avait tant d’envie de jouir de sa compagnie, qu’il lui écrivit cette lettre :

LE ROI DARIUS, FILS D’HYSTASPE, AU SAGE HÉRACLITE D’ÉPHÉSE, SALUT.

« Vous avez composé un livre sur la nature, mais en termes si obscurs et si couverts, qu’il a besoin d’explication. En quelques endroits, si on prend vos expressions à la lettre, il semble que l’on ait une théorie de l’univers, des choses qui s’u font, et qui cependant dépendent d’un mouvement de la puissance divine. On est arrêté à la lecture de la plupart des passages; de sorte que ceux même qui ont manié le plus de volumes ignorent ce que vous avez précisément voulu dire. Ainsi le roi Darius, fils d’Hystaspe, souhaite de vous entendre, et de s’instruire par votre bouche de la doctrine des Grecs. Venez donc au plus tôt, et que je vous voie dans mon palais. C’est assez la coutume en Grèce d’être peu attentif au mérite des grands hommes, et de ne pas faire beaucoup de cas des fruits de leurs veilles, quoiqu’ils soient dignes qu’on y prête une sérieuse attention, et que l’on s’empresse à en profiter. Il n’en sera pas de même chez moi. Je vous recevrai avec toutes les marques d’honneur possibles, j’aurai journellement avec vous des entretiens d’estime et de politesse; en un mot, vous serez témoin du bon usage que je fera de vos préceptes. »

HÉRACLITE D’ÉPHÈSE AU ROI DARIUS, FILS D’HYSTASPE, SALUT

« Tous les hommes, quels qu’ils soient, s’écartent de la vérité et de la justice. Ils n’ont d’attachement que pour l’avarice; ils ne respirent que la vaine gloire, par un entêtement qui est le comble de la folie. Pour moi, qui ne connais point la malice, qui évite tout sujet d’ennui, qui ne m’attire l’envie de personne; moi, dis-je, qui méprise souverainement la vanité qui règne dans les cours, jamais il ne m’arrivera de mettre le pied sur les terres de Perse. Comment de peu de chose, je jouis agréablement de mon sort et vis à mon gré. »

Telles furent les dispositions de ce philosophe à l’égard du roi Darius.