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ZÉNON.


c’est-à-dire qu’il ne donne son acquiescement à aucune fausseté ; il suit la vie des philosophes cyniques, parcequ’elle est un chemin abrégé pour parvenir à la vertu, remarque Apollodore dans sa Morale. Il lui est permis de manger de la chair humaine, si les circonstances l’y obligent. Il est le seul qui jouisse du privilége d’une parfaite liberté, au lieu que les méchants croupissent dans l’esclavage, puisque l’une est d’agir par soi-même, et que l’autre consiste dans la privation de ce pouvoir. Il y a aussi tel esclavage qui gît dans la soumission, et tel autre qui est le fruit de l’acquisition, et dont la sujétion est une suite. À cet esclavage est opposé le droit de seigneur, qui est aussi mauvais.

Non seulement les sages sont libres, ils sont même rois, puisque la royauté est un empire indépendant, et qu’on ne saurait contester aux sages, dit Chrysippe dans un ouvrage où il entreprend de prouver que Zénon a pris dans un sens propre les termes dont il s’est servi. En effet, ce philosophe avance que celui qui gouverne doit connaître le bien et le mal ; discernement qui n’est pas donné aux méchants. Les sages sont aussi les seuls propres aux emplois de magistrature, de barreau et d’éloquence ; autant de postes que les méchants ne sauraient dignement remplir. Ils sont irrépréhensibles, parcequ’ils ne tombent point en faute ; ils sont innocents, puisqu’ils ne portent préjudice à personne ni à eux-mêmes ; mais aussi ils ne se piquent point d’être pitoyables, ne pardonnent point à ceux qui font mal, et ne se relâchent pas sur les punitions établies par les lois. Céder à la clémence, se laisser émouvoir par la compassion, sont des sentiments dont ne peuvent être susceptibles ceux qui ont à infliger des peines, et à qui l’équité ne permet pas de les regarder comme trop rigoureuses. Le sage ne s’étonne pas non plus des phénomènes et des prodiges de la nature qui se manifestent inopinément, des lieux d’où s’exhalent des odeurs empestées, du flux et reflux de la