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ZÉNON.


ras, on le transposa dans un endroit séparé : de même si vous vous ôtiez du milieu d’ici, vous nous embarrasseriez moins. »

Démochare, fils de Lachès, vint le saluer, et lui demanda s’il avait quelque commission à lui donner pour Antigone, qui se ferait un plaisir de l’obliger. Ce compliment lui déplut si fort, que depuis ce moment il rompit tout commerce avec lui. On rapporte aussi qu’après la mort de Zénon, Antigone dit qu’il avait perdu en lui un homme qu’il ne pouvait assez admirer, et qu’il envoya Thrason aux Athéniens, pour les prier d’enterrer le corps du philosophe dans la place Céramique. On demandait à ce prince pourquoi il admirait tant Zénon ; il répondit que c’était « parceque ce philosophe, malgré les grands présents qu’il avait reçus de lui, n’en était devenu ni plus orgueilleux, ni plus humilié. »

Zénon était fort curieux, et apportait beaucoup de soin à ses recherches. De là vient que Timon, dans ses vers satiriques, l’apostrophe en ces termes :

J’ai vu une vieille goulue de Phénicienne à l’ombre de son orgueil, avide de tout, mais ne retenant rien, non plus qu’un petit panier percé, et ayant moins d’esprit qu’un violon[1].

Il étudiait avec Philon le dialecticien. Comme, étant jeune, il disputait assidûment avec lui, cette fréquentation l’accoutuma à n’avoir pas moins d’admiration pour ce compagnon d’étude que pour Diodore son maître.

Zénon avait souvent autour de lui des gens malpropres et mal vêtus ; ce qui donna occasion à Timon de l’accuser qu’il aimait à attrouper tout ce qui se trouvait de gens pauvres et inutiles dans la ville. Il avait l’air triste et chagrin, ridait le front, tirait la bouche, et paraissait fort grossier. Il était d’une étrange lésine, mais qu’il traitait de bonne économie. Il reprenait les gens

  1. Estienne traduit le mot de l’original un instrument à quatre cordes. C’était apparemment une espèce de violon.