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ZÉNON.


LE ROI ANTIGONE AU PHILOSOPHE ZÉNON, SALUT.

Du côté de la fortune et de la gloire, je crois que la vie que je mène vaut mieux que la vôtre ; mais je ne doute pas que je ne vous sois inférieur, si je considère l’usage que vous faites de la raison, les lumières qui vous sont acquises, et le vrai bonheur dont vous jouissez. Ces raisons m’engagent à vous prier de vous rendre auprès de moi, et je me flatte que vous ne ferez point de difficulté de consentir à ma demande. Levez donc tous les obstacles qui pourraient vous empêcher de lier commerce avec moi. Considérez surtout que non seulement vous deviendrez mon maître, mais que vous serez en même temps celui de tous les Macédoniens mes sujets. En instruisant leur roi, en le portant à la vertu, vous leur donnerez en ma personne un modèle à suivre pour se conduire selon l’équité et la raison, puisque tel est celui qui commande, tels sont ordinairement ceux qui obéissent.

Zénon lui répondit en ces termes :

ZÉNON AU ROI ANTIGONE, SALUT.

Je reconnais avec plaisir l’empressement que vous avez de vous instruire et d’acquérir de solides connaissances qui vous soient utiles, sans vous borner à une science vulgaire dont l’étude n’est propre qu’à dérégler les mœurs. Celui qui se donne à la philosophie, qui a soin d’éviter cette volupté si commune, si capable d’émousser l’esprit de la jeunesse, ennoblit ses sentiments, je ne dis pas par inclination naturelle, mais aussi par principe. Au reste, quand un heureux naturel est soutenu par l’exercice et fortifié par une bonne instruction, il ne tarde pas à se faire une parfaite notion de la vertu. Pour moi, qui succombe à la faiblesse du corps, fruit d’une vieillesse de quatre-vingts ans, je crois pouvoir me dispenser de me rendre auprès de votre personne. Souffrez donc que je substitue à ma place quelques uns de mes compagnons d’étude, qui ne me sont point inférieurs en dons de l’esprit, et qui me surpassent pour la vigueur du corps. Si vous les fréquentez, j’ose me promettre que vous ne manquerez d’aucun des secours qui peuvent vous rendre parfaitement heureux.

Ceux que Zénon envoya à Antigone furent Persée, et