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CRATÈS.

sombre faste ; mais belle, opulente, arrosée, n’ayant rien, où n’a borde jamais un insensé parasite, ni un voluptueux qui cherche à se réjouir avec sa courtisane. Elle produit du thym, de l’ail, des figues et du pain, autant de biens pour lesquels ses habitants ne sont jamais en guerre les uns contre les autres. On n’y prend point les armes, ni par convoitise pour l’argent, ni par ambition pour la gloire.

On lui attribue aussi ce journal de dépense : « Il faut donner à un cuisinier dix mines, à un médecin une drachme, à un flatteur cinq talents, de la fumée à un homme à conseil, un talent à une courtisane, et trois oboles à un philosophe. » On l’appelait l’Ouvreur de portes, parcequ’il entrait dans toutes les maisons pour y donner des préceptes. Il est auteur de ces vers :

Je possède ce que j’ai appris, ce que j’ai médité, et ce que les augustes Muses m’ont enseigné : quant à ces autres biens éclatants, l’orgueil s’en empare.

Il disait qu’il lui était revenu de l’étude de la philosophie un chenix[1] de lupins, et l’avantage de vivre exempt de soucis. On lui attribue encore d’avoir dit que « l’amour s’apaise, sinon avec le temps, du moins par la faim ; et que si l’un et l’autre ne font aucun effet, il faut prendre la résolution de se pendre. »

Au reste, il florissait vers la cent treizième olympiade.

Antisthène, dans ses Successions, dit qu’ayant vu, à la représentation d’une certaine tragédie, Télèphe[2] dans un état fort vil, et tenant une corbeille à la main, il se livra aussitôt à la philosophie cynique ; qu’étant d’un rang distingué, il vendit ses biens ; qu’après en avoir retiré environ cent ou deux cents talents, il les donna à ses concitoyens, et s’appliqua fermement à la philosophie. Philémon, poëte comique, parle de lui en ces termes : « Pour être plus

  1. Mesure sur laquelle on n’est pas d’accord.
  2. C’est une tragédie d’Euripide, dans laquelle Télèphe, roi de Mysie, était introduit vêtu en mendiant, et tenant une corbeille. Ménage.