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DIOGÈNE.

un mal : Comment serait-ce un mal, répondit-il, puisqu’on ne la sent pas ? Alexandre s’étant subitement présenté devant lui, lui demandait si sa présence ne lui causait point de crainte ; il répondit : En quelle qualité voulez-vous que je vous craigne ? Est-ce comme bon, ou comme mauvais ? Comme bon, dit Alexandre. Eh ! reprit Diogène, comment peut-on craindre ce qui est bon ? Il appelait l’instruction la prudence des jeunes gens, la consolation des vieillards, la richesse des pauvres, et l’ornement des riches. L’adultère Didymon était occupé à guérir les yeux d’une fille. Diogène lui dit : Prenez garde qu’en guérissant les yeux de cette fille, vous ne lui blessiez la prunelle[1]. Quelqu’un lui disant que ses amis lui tendaient des piéges : Que sera-t-on, répondit-il, s’il faut vivre avec ses amis comme avec ses ennemis ? Interrogé sur ce qu’il y avait de plus beau parmi les hommes, il répondit que c’était la franchise. Il entra un jour dans une école, où il vit plusieurs images des Muses et peu d’écoliers. Il dit au maître : Vous avez bien des disciples, grâces aux dieux !

Il faisait publiquement ses fonctions naturelles, celle de manger, aussi bien que les autres ; et il avait coutume de s’excuser par ces sortes de raisonnements : S’il n’est pas déplacé de prendre ses repas, il ne l’est pas non plus de les prendre en plein marché : or il n’est pas malhonnête de manger ; il ne l’est donc pas aussi de manger publiquement[2]. Il lui arrivait aussi souvent de faire des gestes indécents, et disait pour excuse qu’il n’hésiterait point d’en faire pour apaiser la faim, s’il le pouvait. On lui attribue d’autres discours, qu’il serait trop long de rapporter. Il distinguait deux sortes d’exercices : celui de

  1. Il n’y a ici un jeu de mots, en ce que le même terme signifie une fille et la prunelle.
  2. C’est ici le grand reproche qu’on a fait aux cyniques. Il n’y a pas moyen d’excuser leur grossièreté, qui allait jusqu’au vice : elle fait voir que toute philosophie, purement humaine, se ressent du désordre de l’esprit humain.