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ANTISTHÈNE.

Interrogé pourquoi il en agissait rudement avec ses disciples : Les médecins, dit-il, traitent de même leurs malades. Voyant un jour un adultère qui se sauvait : Malheureux ! lui cria-t-il, quel péril n’aurais-tu pas pu éviter avec une obole ! Hécaton, dans ses discours, lui attribue d’avoir dit « qu’il vaut mieux tomber entre les pattes « des corbeaux qu’entre les mains des flatteurs, parce que « ceux-là ne font du mal qu’aux morts, au lieu que ceux-ci dévorent les vivants. » Interrogé sur ce qui pouvait arriver de plus heureux à un homme, il répondit que c’était de mourir content. Un de ses amis se plaignant un jour à lui d’avoir perdu ses écrits, il lui dit qu’il aurait fallu mettre les choses qu’ils contenaient dans son esprit, mais non sur du papier. Il disait que les envieux sont consumés par leur propre caractère, comme le fer est rongé par la rouille qui s’y met ; que le moyen de s’immortaliser est de vivre pieusement et justement ; et que quand on ne peut plus discerner les honnêtes gens d’avec les vicieux, c’est alors qu’un pays est perdu.

Étant un jour loué par des gens d’un mauvais caractère, il dit que cela lui faisait craindre qu’il n’eût fait quelque chose de mal. Il disait aussi qu’une société de frères, qui sont unis, est la meilleure de toutes les forteresses ; et qu’il fallait se munir principalement de biens qu’on pût dans un naufrage sauver avec soi. Comme on le blâmait de ce qu’il fréquentait des gens vicieux, il répondit que les médecins voient bien les malades, sans pour cela prendre la fièvre. Il disait encore qu’il était absurde, tandis qu’on prenait tant de soin de séparer le froment de l’ivraie, et de purger une armée de gens inutiles, qu’on ne prît pas le même soin de purger la société des méchants qui la corrompent. On lui demanda ce qui lui était revenu de l’étude de la philosophie : De savoir, dit-il, converser avec moi-même. Chantez, lui dit quelqu’un dans un repas. Et vous, répliqua-t-il, jouez-moi de la flûte. Diogène lui demandant un habit, il lui dit qu’il