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PRÉLIMINAIRE.


musique montée sur un certain ton, et qui n’en saurait produire un contraire. Ils auraient craint de se détonner, et de se désaccorder d’avec eux-mêmes. À force de méditations ils étaient parvenus à être ce qu’était Caton d’Utique, dont Velleius a dit « qu’il n’a jamais fait de bonnes actions, pour paraître les avoir faites ; mais parcequ’il n’était pas en lui de faire autrement. »

Quoique la vraie philosophie consiste à régler ses mœurs sur les notions éternelles du juste et de l’injuste, à rechercher la sagesse, à se nourrir de ses préceptes, à suivre généreusement ce qu’elle enseigne ; l’usage néanmoins a voulu qu’on décorât de ce nom respectable les systèmes que l’esprit enfante dans une sombre et lente méditation. C’est donc un double titre pour ne pas le refuser aux anciens dont Diogène Laërce a écrit la vie, puisqu’à la science des mœurs ils ont joint celle de la nature. Ils ont très bien réussi dans la première, parcequ’il ne faut que descendre profondément au dedans de soi-même, pour trouver la loi que le créateur y a tracée en caractères lumineux : seulement on peut leur reprocher en général de n’avoir pas donné assez de consistance à la vertu, en la renfermant dans l’étroite enceinte de cette vie. Quant à la science de la nature, ils y ont fait peu de progrès, parcequ’elle ne se laisse connaître qu’après qu’on l’a interrogée, et mise, pour ainsi dire, à la question, pendant une longue suite de siècles.

Si l’on compare l’ancienne philosophie à la moderne, on ne peut qu’être surpris de la distance extrême qui les sépare l’une de l’autre. De combien d’erreurs et d’extravagances ce vide n’est-il pas rempli ! La première réflexion qui se présente à l’esprit, est un retour bien humiliant sur soi-même. Il semble que la na-