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ARISTIPPE.

rapport à ce qu’elles sont en elles-mêmes. Ils convenaient que l’esprit humain peut comprendre les qualités des passions, mais ils lui refusaient la capacité d’en connaître l’origine. Ils ne s’attachaient point à la recherche des choses naturelles, parcequ’ils étaient dans l’opinion que c’est inutilement qu’on s’efforce d’y parvenir. Pour la logique, ils la cultivaient à cause de son utilisé. Méléagre dit pourtant, dans le deuxième livre de ses Opinions, aussi bien que Clitomaque, dans le premier livre des Sectes, qu’ils méprisaient également la physique et la dialectique, dans la persuasion qu’un homme qui a appris à connaître le bien et le mal peut, sans le secours de ces sciences, bien raisonner, se dépouiller de superstition, et s’armer contre les craintes de la mort. ils disaient que rien n’est de sa nature juste, honnête ou honteux, mais que la coutume et les lois avaient introduit ces sortes de distinctions; que cependant un homme de probité ne laisse pas de se garder de faire le mal, ne fût-ce que pour éviter le dommage et le scandale qui en peuvent arriver, et que c’est là ce qui fait le sage. Ils ne lui ôtent pas non plus les progrès dans les sciences et les beaux-art. Enfin ils disent que les hommes sont plus sensibles à la douleur les uns que les autres, et que nos sens ne sont pas toujours de sûrs garants de la vérité de ce que nous pensons.

Les sectateurs d’Aristippe, qui s’appelaient hégésiaques, ont été dans les mêmes sentiments que les cyrénéens sur le plaisir et la douleur. Ils disaient que l’amitié, la bonté et la bénéfience ne sont rien par elles-mêmes, parceque nous les recherchons à cause du fruit qui nous en revient, et non à cause d’elles-mêmes; et que, dès qu’elles ne nous sont plus utiles, nous n’en faisons plus de cas. Ils croyaient qu’une vie tout-à-fait heureuse n’est pas possible, parceque plusieurs maux viennent du corps, et que l’ame partage tout ce qu’il éprouve; que d’ailleurs la fortune nous ravit souvent les biens que nous espérons, et que tout cela est cause qu’un