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ARISTIPPE.

vous me prescriviez le temps où il faut que je raisonne. Denys, choqué de cette réponse, lui ordonna d’aller se placer au bas bout de la table. Apparemment, continua Aristippe, que vous avez voulu faire honneur à cette place. Il mortifia la vanité d’un homme qui se piquait de savoir bien nager, en lui demandait s’il n’avait pas honte d’être en concurrence pour l’agilité avec les poissons. Un autre lui demandait en quoi le sage diffère de l’insensé : Envoyez-les, dit-il, tous deux, nus, chez ceux qui ne les connaissent pas, et ils vous l’apprendront. Un buveur s’applaudissait de ce qu’il savait beaucoup boire sans s’enivrer : Le mulet en fait autant, lui répondit-il. Quelqu’un le censurant de ce qu’il avait commerce avec une débauchée : N’Est-ce pas la même chose, dit-il, que vous habitiez une maison après plusieurs autres, ou que vous en habitiez une que personne n’a occupée avant vous? Non, répondit l’autre. Quoi! reprit Aristippe, il n’est pas indifférent que je m’embarque dans un vaisseau qu’on aura souvent équipé, ou dans un navire neuf et qui n’aura fait aucune course? D’accord, repartit le censeur. Tout de même, répondit le philosophe, il ne m’importe pas d’avoir commerce avec une femme qui a servi à plusieurs, ou avec une femme encore novice sur la volupté. Comme il apprit qu’on lui donnait un mauvais renom de ce qu’étant disciple de Socrate, il avait l’ame mercenaire : J’ai raison, dit-il, de vouloir être payé de mes disciples : il est vrai que Socrate retenait peu de chose, pour son usage, du blé et du vin dont quelques uns de ses amis lui faisaient présent, et qu’il renvoyait le superflu; mais les principaux d’Athènes subvenait à ses besoins par les provisions qu’ils lui envoyaient; et moi, je n’ai qu’un esclave, qui est Eutychide; encore ne m’appartient-il qu’à titre d’achat. Sotion, dans le second livre de ses Successions, rapporte qu’il entretenait la courtisane Laïs. Comme on se moquait de lui à ce sujet: Oui, répondit-il, je possède Laïs; mais je ne suis pas possédé de ses agréments,